(Épisode précédent: Νεκυία #11)
« Chaque entrée dans le monde est un monde,
un mode d’être au monde, une traversée,
une histoire. »
Jean-Christophe Bailly
11. La Mère
Sonia était restée longtemps à regarder l’écran redevenu noir. Le casque qu’elle portait toujours sur les oreilles était à présent muet, et l’isolait du monde. Elle aurait voulu ne plus jamais sortir de cette tranquillité ouatée, doucement anesthésiante et qui l’aidait, pour quelques instants encore, à ne pas penser. Des larmes avaient séché, et laissé une trace irisée sur chacune de ses joues. Sonia n’avait pas senti qu’elle pleurait mais elle sentait à présent ces vestiges salés sur sa peau, qui, tôt ou tard, devaient la ramener à la conscience de ce qui avait eu lieu.
Elle attendit encore un peu, immobile, de peur qu’un seul mouvement, même le plus infime, la fît de nouveau entrer dans le monde, avant qu’elle fût prête.
Elle attend, peut-être, que l’écran s’allume encore, lui montre l’homme, lui fasse entendre son cri silencieux, si plein d’une vie qu’elle n’aurait jamais crue possible.
Ses yeux fixés sur la surface lisse et noire semblaient vouloir la commander de faire réapparaître l’image étrangement consolatrice. Elle s’accrochait à son souvenir d’un homme qu’on avait voulu humilier et dont le corps irrémédiable s’était dressé, envahi de sa propre puissance – elle avait cru sentir, elle si fragile et figée sur son lit dans son étroite cellule, l’énergie surnaturelle de l’homme qui se révoltait. Ce fut une secousse soudaine dont seules ses deux larmes à présent séchées témoignaient, échos ténus mais persistants du tremblement invisible qui s’était emparé d’elle.
Sonia n’avait pas vu Irina qui assistait avec elle à cette scène primitive. Elle ne savait pas qu’elle avait senti cette présence secrète derrière elle, mais sa mémoire en gardait une trace confuse, comme la sensation d’une caresse qui avait presque eu lieu, retenue seulement au dernier moment. Elle frissonna légèrement avant de se retourner. Le couloir était vide, évidemment. Elle aperçut de l’autre côté quelques silhouettes inachevées, ses frères et sœurs Rêveurs, restés immobiles comme elle, sans qu’elle pût déterminer si, comme elle, ils avaient reçu l’ébranlement du cri de l’homme. Bientôt les portes se refermeraient en silence et elle resterait seule avec ces sensations nouvelles qu’elle ne comprenait pas. Les portes se refermeraient et l’écran ne s’allumerait plus. Il lui reviendrait alors entièrement d’explorer le monde inconnu qui germait en elle, de dépasser sa terreur pour le laisser naître, l’étranger qui devait remplacer tout ce qui avait été, jusque-là, Sonia. Elle abandonnerait toute résistance, elle se laisserait posséder car elle pressentait qu’une vérité cachée, une vérité fondamentale, reposait au cœur de cette étrangeté.
Sonia, immobile et séparée de la familiarité aride de son monde, n’entendit pas le cliquetis insidieux de la porte, qui prétendait la prémunir contre toute intrusion extérieure, et l’enfermait avec l’étranger qu’aucun mur ne pouvait plus tenir éloigné d’elle.
Sonia connaissait les visages des deux hommes qu’elle avait vus en lutte sur l’écran. Celui de l’Enfanteur lui apparaissait souvent, perturbant la solitude de sa cellule, infiltrant ses pensées, dans ses rares moments de vraie lucidité. Elle avait un souvenir aigu de cette bouche d’où sortaient, comme arrondies par le sourire permanent, faux et outré, dessiné par un maquillage excessif et que le regard contredisait, créant dans la composition du visage une dysharmonie discrète et monstrueuse, des paroles toujours murmurées, et qui semblaient, derrière une douceur jouée, vouloir s’introduire de force dans l’esprit. Sonia était saisie d’un malaise proche de la nausée quand ce visage, qui faisait tout pour se rendre aimable, apparaissait sur son écran. Elle se demandait parfois si ses frères et sœurs éprouvaient le même rejet incontrôlable, du corps qui refuse le poison qu’on veut le convaincre d’ingérer, ou s’ils se laissaient piéger par les paroles apaisantes de l’Enfanteur, jusqu’à ce que plus rien ne distinguât ce qu’ils étaient de ce qu’il voulait qu’ils fussent. Sonia n’avait aucun moyen de le savoir et ce fait la rendait méfiante, malgré elle, dans ses rares contacts avec les autres Rêveurs. Et sa méfiance la rendait mélancolique. Elle était persuadée qu’au moins quelques uns, comme elle, résistaient, mais elle ne savait pas les reconnaître. Tous, et elle aussi, par peur de devoir subir les Rituels de Purification et de Divergence, agissaient comme on voulait qu’ils agissent. Tous avaient enfoui leur individualité propre dans un souterrain plus profond et plus secret que celui qui menait à la Chambre du Silence.
Beaucoup, sans doute, l’avaient enterrée si loin de leur être extérieur qu’ils l’avaient perdue, définitivement.
Tous, sans cesse scrutés, se cachaient, oubliaient, étaient agis. Tous, sauf Ivan.
*
Sonia, lentement, retira son casque, se leva et, doucement, posa son front contre l’écran, froid et noir, parfaitement opaque. Elle avait reconnu Ivan et elle avait pleuré. Derrière ses paupières fermées son visage se superposait à celui de l’autre, continuait la lutte, en elle maintenant. Les deux gouttes de sel séché étaient une maigre offrande en retour de ce qu’il lui avait donné. Elle devait, à lui et à elle-même, garder vivant ce visage. Elle devait ne plus jamais oublier de le reconnaître. Elle crut voir soudain les yeux d’Ivan qui la regardaient et elle s’éloigna brusquement de l’écran. Elle était seule. Seule et peut-être, déjà, au bord de la folie. Elle ne savait que faire avec ce qu’il avait déposé en elle, qu’elle avait recueilli sans réfléchir, sous l’effet d’une résonance pourtant impossible.
Ivan, le Rêveur favori, le protégé de l’Enfanteur, adoré des Absorbeurs, envié de ses frères et sœurs, Ivan avait rompu le rang. Sonia imaginait la surprise des Rêveurs, tous étendus à ses côtés, chacun dans sa cellule, invisibles, en découvrant le visage d’Ivan sur l’écran. Ivan nu au milieu de la chambre du Rituel de Purification, connue de tous, crainte par tous, dont on revenait aliéné, le regard éteint, un étranger. Personne ne parlait plus au Rêveur qui était passé par le double Rituel ; le Rêveur ne parlait plus à personne. C’était comme si on l’avait séparé du monde, en coupant à même l’espace. Prisonnier d’une Chambre du Silence devenue permanente. Il était toujours là, mais invisible. On le voyait pourtant, sans le regarder, et on craignait ce qu’il incarnait. On montrait aux Rêveurs le Rituel de Purification mais aucun, sauf s’il en avait fait l’expérience, ne pouvait deviner ce qu’était le Rituel de Divergence. Et, dans ce cas, le Rêveur n’était plus en mesure d’en parler. Cette connaissance volontairement incomplète des Rituels était d’une redoutable efficacité pour provoquer la terreur chez les Rêveurs. Les mots mêmes qui les désignaient étaient entre eux tabous. Ceux qui en revenaient – mais pouvait-on dire qu’ils revenaient, vraiment ? –, ils les appelaient les Dévorés. Leur imaginaire artificiellement immobilisé dans l’enfance, s’il peinait à concevoir ce que « divergence » signifiait, avait bien compris, en observant le frère ou la sœur tombée, l’effet qu’elle était destinée à produire sur l’être. L’Onirothèque, que les Enfanteurs appelaient pour eux la Mère, était une ogresse implacable.
Sonia craignait de voir Ivan réapparaître dans cet état, d’une vie abstraite d’elle-même, où le Rêveur n’est enfin plus que cela, un Rêveur, propre à nourrir les Absorbeurs, jusqu’à ce que la folie l’emporte, ce qui arrivait généralement assez vite. Sonia ne pouvait s’empêcher d’être soulagée quand un Dévoré sombrait définitivement et disparaissait, son effacement enfin achevé. Mais elle était terrifiée à l’idée d’Ivan absorbé par la Mère, éteint, escamoté. Elle préservait dans sa mémoire le cri qu’il lui avait confié, comme si leurs vies à tous deux en dépendaient – prête à le lui rendre, le moment venu, lumineux, gonflé de son propre espoir.
Sonia n’avait jamais parlé à Ivan, mais elle connaissait son visage.
Elle devait se souvenir de ce visage. Seule, debout, immobile au milieu de sa cellule, elle se laissait obséder par cette pensée. Elle restait persuadée, contre toute raison, que, si une victoire – contre qui ? contre quoi ? – était encore possible, elle tiendrait à ce souvenir, du visage, du cri et de ses propres larmes, elles aussi bientôt disparues. Sonia se voulait la dépositaire de l’identité d’Ivan, qu’elle lui remettrait, s’il avait été dévoré. Il persévérait en elle et cette pensée la rendait joyeuse, apaisée, confiante.

*
Sonia fut arrachée de sa rêverie par le hurlement d’une sirène qu’elle n’avait jamais entendue, suivi d’une commotion, chose improbable dans ce dortoir des Rêveurs, où tout était toujours feutré, où la vie même semblait estompée. Le bruit, surtout pour ses oreilles habituées à l’exactitude du silence, était assourdissant. Elle voulut prendre son casque, étouffer l’intrusion brutale du monde, puis décida, surprise elle-même, de n’en rien faire. Elle voulait entendre, puisqu’elle ne pouvait voir, recevoir l’agitation inattendue, se donner une chance de comprendre ce qui se passait. L’écran devant elle s’alluma, éclaira brusquement la pénombre naissante d’une lumière bleutée contre-nature : elle vit apparaître le visage de l’Enfanteur. Son casque était resté sur le lit, elle n’entendait pas ce qu’il disait. Elle voyait la bouche rouge former des mots insensés, enroulés dans la grimace du sourire. Elle plongea son regard dans les yeux gris et froids, comme s’ils pouvaient la voir. Elle crut un instant qu’ils la voyaient en effet. Luttant contre l’instinct presque animal qui lui intimait de s’éloigner de l’écran, elle s’approcha au contraire et observa ce que ce visage privé de parole disait vraiment. Et elle entendit – elle vit – ce qu’il disait. L’Enfanteur avait peur.
Sonia eut un mouvement de surprise ; elle ferma les yeux, inspira longuement, rouvrit les yeux et regarda encore, le visage presque collé contre l’écran, contre celui de l’Enfanteur. Elle ne s’était pas trompée. Elle voyait clairement. La bouche déversait ses paroles inaudibles ; sans entendre, elle pouvait imaginer aisément le murmure lénifiant, enrobé dans le sourire écarlate, si outré qu’il semblait détaché du reste du visage. Les yeux de Sonia remontèrent lentement vers les yeux de l’Enfanteur et elle vit, de nouveau, l’improbable, l’inimaginable. Elle vit, tissée à même l’iris gris, la terreur qui sommeillait au fond de l’Enfanteur et, pour la première fois, affleurait, irrémédiable. Il avait peur, il avait toujours eu peur, sans doute, et il n’était plus capable de cacher sa peur.
Sonia s’écarta enfin. Elle souriait. Alors, sans réfléchir, poussée par la même force qui terrifiait l’Enfanteur et plongeait ses racines dans la nature enfouie du monde, elle fracassa l’écran du poing. Deux petites larmes de sang vinrent remplacer les autres à présent évaporées. Elle regarda, étonnée et satisfaite, le visage décomposé de l’Enfanteur, puzzle épars, privé de son pouvoir d’ensorcellement, masque sans chair pour lui redonner vie.
Perdue dans sa contemplation, Sonia n’avait pas entendu que le silence était revenu dans le dortoir. Un coup timide frappé contre le mur qu’elle partageait avec la cellule voisine de la sienne la fit sursauter. C’est ce bruit intempestif qui lui fit prendre soudain conscience de la profondeur du silence qui l’avait précédé. Elle ne l’avait pas remarqué, ce silence, mais son corps en avait perçu la puissance d’enveloppement. Sonia, comme tous les Rêveurs, était habituée au silence, au silence surnaturel de l’Antichambre du Rêve, au silence désolé du dortoir, au silence, même, des séances laborieuses avec son Oniropole. Le silence était sa vie. Pourtant, celui que le petit coup contre le mur venait de briser avait une texture particulièrement complexe dont elle n’avait jamais, elle s’en rendit compte avec étonnement, fait jusque-là l’expérience. Maintenant que ce silence nouveau l’avait saisie de ses harmonies diaphanes, inouïes, elle voulut rester à en écouter l’étrangeté. Mais un nouveau petit coup, plus insistant, la tira de l’imaginaire ouaté dans lequel elle essayait de se perdre, corps et conscience. Contrainte de revenir dans l’espace étroit de sa cellule, elle s’approcha du mur. Elle y posa la main d’abord, puis l’oreille. Le béton était froid contre sa joue. Elle eut la vision de l’autre, son frère ou sa sœur, dans une posture exactement identique à la sienne, les sens avidement tendus vers elle. Le mur se dressait entre eux, en même temps leur frontière invincible et le miroir qui les réunissait. Sonia y posait à présent les lèvres, comme si son souffle pouvait atteindre l’autre. Son frère – elle se souvint sans raison que la cellule voisine était occupée par un Rêveur qu’elle avait croisé une ou deux fois ; elle peinait à convoquer son visage – frappa un troisième coup. Les Rêveurs, quand ils étaient dans leurs cellules, ne communiquaient jamais entre eux. C’était interdit. Et, comme pour les autres interdits, il ne leur venait pas à l’idée d’enfreindre la règle, arbitraire et souveraine. La sirène, que chacun avait entendue pour la première fois, l’agitation qui l’avait suivie, peut-être, aussi, le fracas de l’écran brisé par Sonia – ces ruptures insensées du silence de leur vie avaient donné de l’audace au jeune Rêveur, son voisin sans visage, son frère. Sonia hésita encore quelques instants. Enfin, elle serra le poing et frappa trois coups successifs, fermes, contre le mur. Elle retint son souffle, colla plus fort l’oreille contre le béton glacial ; on aurait dit qu’elle croyait, de sa volonté seule, pouvoir le traverser. Silence. L’autre l’avait-il poussée à répondre pour ensuite se dérober ? Le poing levé tout près du mur, Sonia s’apprêtait à frapper un nouveau coup quand, soudain, quelqu’un tambourina à la porte.
Sonia se figea, son geste inachevé en suspens. Sur son visage, l’excitation le disputait à la terreur. Elle crut entendre son frère invisible, de l’autre côté du mur, qui haletait péniblement. Elle crut voir ses yeux, dont elle avait oublié la forme et la couleur, envahis par la peur. Elle aurait voulu pouvoir le rassurer, le consoler. Elle n’osait plus frapper contre le mur : elle savait qu’un nouveau bruit, à présent, ne réussirait qu’à le terrifier davantage. L’étranger derrière la porte avait rompu, peut-être sans le savoir, le lien timide qu’ils avaient tissé pour un bref instant. Son frère, de l’autre côté du mur, s’était recroquevillé sur son lit, pensa-t-elle, et essayait de disparaître dans une immobilité parfaite. En l’imaginant, animal encagé, exposé aux regards de tous qui toujours désirait fuir, se cacher, se retrouver, Sonia sentit revenir peu à peu la mémoire de son visage. C’était un jeune garçon androgyne aux doux yeux bruns. Elle le voyait clairement à présent. Elle posa de nouveau la main sur le mur, comme pour caresser doucement les cheveux de son petit frère. Sonia ferma les yeux et murmura : « Je suis là. Je te vois. » Elle savait que l’autre ne pouvait pas l’entendre et peut-être ne disait-elle ces mots que pour elle-même.
Le temps s’était dilaté. Combien de secondes, ou combien de minutes depuis qu’on avait frappé contre sa porte ?
Sonia avait presque oublié cette dissonance dont la réalité n’avait aucune place dans le monde qu’elle connaissait. On ne frappait pas à la porte des Rêveurs. La porte s’ouvrait ou se fermait, sous l’effet d’une puissance invisible et magique, sans que personne ne se souciât, jamais, de savoir si le Rêveur désirait, ou non, être vu. Le Rêveur ne s’appartenait pas, la porte servait à l’enfermer et non à le cacher ni à lui procurer une intimité à laquelle il n’avait aucun droit. D’ailleurs, le Rêveur, prisonnier, ne pouvait ouvrir lui-même sa porte et y frapper de l’extérieur était par conséquent un geste parfaitement absurde, le geste d’un fou. Aussi Sonia avait-elle du mal à prendre en compte le fait que quelqu’un venait de tambouriner contre sa porte. S’agissait-il d’un autre message, après celui de son jeune frère ? Peut-être lui-même n’avait-il fait que transmettre ce qu’il avait entendu, un coup frappé contre le mur opposé à celui qu’il partageait avec Sonia, et ainsi de suite, depuis le fond du couloir ? Et se transmettait-on aussi, selon la même méthode rudimentaire, un message – difficile à déchiffrer, Sonia devait bien l’admettre – entre les cellules de l’autre côté du dortoir ? Se parlait-on enfin ? Le cri d’Ivan avait-il mis en mouvement cette marée, timide mais vivante, contre le silence et la peur ?
Ou s’agissait-il d’un piège ? Leur intimait-on, par ce moyen brutal, de se taire, de cesser leurs petits coups ridicules contre les murs de leurs cellules ? Mais, alors, pourquoi n’avait-on frappé que contre sa porte ? Sans doute le coup avait-il été suffisamment inattendu et autoritaire pour terroriser son petit frère et pour la suspendre, elle, au milieu de son geste subversif. Il restait que les Gardiens disposaient de moyens plus radicaux et plus efficaces pour maintenir l’ordre et la paix parmi les Rêveurs. Ou bien l’irruption de la sirène, tout à l’heure, était-elle le signe que la façade de cet ordre avait déjà commencé, insidieusement, de se craqueler – à l’image du visage de l’Enfanteur lui-même ?
Sonia fut interrompue dans son débat intérieur par une seconde salve contre sa porte. Les coups lui parurent cette fois, étrangement, plus doux, presque suppliants. Elle n’aurait su dire combien de temps s’était écoulé entre la première et la deuxième fois. Quelques minutes ? Toute une vie, maintenant qu’un abîme la séparait, depuis ce geste anodin, inoffensif même, du monde d’avant ?
Sonia décida de s’approcher. Elle avança sans bruit mais l’étranger, de l’autre côté, sembla comprendre qu’elle était désormais tout près, inaccessible. Elle entendit sa respiration, difficile comme après un long effort, puis une voix de femme lui adressa ces mots : « Attendez-moi. » Sonia ne sut que répondre. Le devait-elle ? Sans réfléchir, absurdement, elle se contenta de frapper un petit coup bref, presque inaudible. L’étrangère en fut satisfaite, et Sonia écouta ses pas s’éloigner le long des cellules closes du dortoir, dont le silence, peu à peu, reprit pleinement possession. Quelque chose, pourtant, avait changé et résonnait secrètement, dans une dimension inexplorée de l’espace, que seule Sonia désormais, dépositaire de la parole de l’étrangère, dépositaire du cri d’Ivan, avait le pouvoir de découvrir, ou d’enfanter.
(L’ensemble des chapitres publiés est à retrouver sur la page Romans)
Un commentaire sur “Νεκυία #12”